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69,3 millions de $ pour de « ridicules petites choses »

Crypto Art

C’est en ces termes que David Hockney, le peintre vivant le plus cher du monde a fait part de son peu d’intérêt pour le record atteint par une œuvre dite Crypto Art constituée de 5 000  dessins numériques assemblés au sein d’un fichier unique, reproductible à l’infini. Le relai médiatique a immédiatement amplifié l’ire des indignés professionnels, sans comprendre le coin que cet évènement introduisait dans l’écosystème artistique. Peu importe l’intérêt esthétique de l’œuvre – après tout, des musées exposent bien les Mierda d’Artista de Manzoni – ce qui a été acheté ce jour-là est un jeton numérique(N.F.T), basé sur la technologie de la blockchain. Ce certificat numérique, enregistré dans un registre mondial, garanti à son possesseur l’authenticité, la propriété, la traçabilité de l’œuvre à laquelle il est attaché et ce de manière totalement infalsifiable, sauf à utiliser une puissance de calcul que seuls certains états possèdent.

Au-delà donc du coup marketing de cet achat par un des principaux trader en crypto monnaie, la technologie à l’œuvre offre des perspectives plus qu’anecdotiques au marché de l’art. Il existe des éléments incontournables constitutifs du prix (et parfois de la Valeur) d’une œuvre d’art : le rattachement certain à son créateur – importance du distinguo « De » vs « attribué à » –, la date de sa création  –  pour les avant-gardistes convaincus –, l’origine – essentiel en matière art premier – , le nom des propriétaires successifs – la même lithographie n’aura pas le même prix selon qu’elle aura appartenue à Malraux ou à Bismuth – et surtout, graal ultime pour tout collectionneur ou conservateur : la preuve certaine qu’il ne s’agit pas d’un faux ! Quelque soient les techniques déployées jusqu’à présent, chacun de ses éléments a été un jour ou l’autre mis en défaut, le maillon faible étant toujours le facteur humain (PFH). Un catalogue raisonné construit à partir de la technologie de la blockchain offre l’absolue certification de tous les éléments énoncés ci-dessus, et encore plus si on rajoute le droit de suite de l’artiste : en quelque sorte, l’ADN de l’œuvre est inscrite dans un registre numérique sans aucune possibilité de clonage, et avec une traçabilité totale. Artéia, une start-up française en pointe sur ces sujets, semble susciter de plus en plus d’intérêt, mettant à disposition des artistes ces nouvelles possibilités.

Plus intéressant en matière d’ouverture de champs créatif, les NFT apportent aussi une solution à la constitution d’une chaine de valeur pour l’art numérique. Jusqu’à présent, le développement de cette pratique se heurtait à la difficulté de financement de l’artiste. Sauf à s’appeler Bill Viola ou Nam June Paik, il reste extrêmement difficile de vendre une œuvre purement numérique sous une autre forme qu’un DVD. Il est désormais possible pour un collectionneur d’acquérir une potentielle future joconde numérique, certifiée originale, toutes les autres reproductions de cette œuvre étant ravalées automatiquement au rang de carte postale digitale de cette même œuvre.

Les pionniers de l’art numérique ce sont saisis de ces nouvelles opportunités, l’œuvre VoV – Value of Value  de l’artiste français Maurice Benayoun est probablement une des plus aboutie de cette tendance de l’art. (plus de détail dans la newsletter des éditions.

L’impact des nouvelles technologies ne se limite pas à la blockchain. Un autre artiste, Eddie Ladoire, s’est emparé des opportunités qu’offre la géolocalisation pour développer une application (Listener) proposant des parcours sonores in situ. Pour comprendre le champs créatif offert par cette technologie, il faut avoir suivi le parcours dédié au Street Art de la ville de Bayonne, et écouter les podcasts créés pour accompagner chaque fresque murale. Un moment esthétique total, associant la vue, l’imaginaire et la musique. Cette démarche a tendance à se généraliser, poussée par les besoins des musées d’exister malgré la pandémie et de reconquérir un public certes en mal d’expérience en présentiel, mais à qui les expériences de confinement ont donné envie d’explorer un monde culturel associant au réel une part de Virtuel.

Je gage que Malraux, après avoir si bien décrit l’impact de le photographie dans la constitution de nos musées imaginaires se serait lancé dans la rédaction du tome 4 de sa métamorphose des Dieux : Après le Surnaturel, l’Intemporel et l’Irréel…, le Virtuel ?

N.F.T : Non Fongible Token

P.F.H : Putain de Facteur Humain

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